Ordonnances: analyse de la CFDT Auvergne-Rhône-Alpes

Publié le 01/04/2020

Au regard du contexte épidémique en France, le Parlement a adopté la loi d'urgence sanitaire le 23 mars. La loi est publiée au Journal officiel depuis le mardi 24 mars et ce, "pour une durée de deux mois" à compter de sa date d'entrée en vigueur. Le Conseil constitutionnel lui-même a autorisé une dérogation à la Constitution. Elle autorise le gouvernement français à prendre, par ordonnances, une série de mesures pour endiguer l'épidémie du Covid-19.  Entre le 25 et le 27 mars 2020, 25 textes ont été produits afin d’atténuer les conséquences économiques et sociales liés au confinement.

Des mesures sont prises pour les plus démunis et c’est à saluer, prolongation de la trêve hivernale, maintien de diverses allocations sans justificatifs, gèle des radiation…

Cependant si chacun reconnait la nécessité de « sacrifice » dans la période il est nécessaire d’analyser ces textes avec un peu de recul. Des délais de mise en application sont proposés au-delà de la période de confinement envisagé, des amplitudes horaires sont introduites sans détails… Nous devons être responsable dans la période sans négliger cependant la vigilance. La sécurité des salariés est une priorité.

Congés payés

L’article 1er permet à un accord collectif de branche ou d’entreprise d’autoriser l’employeur, par dérogation aux dispositions applicables en matière de durée du travail et de prise des congés payés et aux stipulations conventionnelles en vigueur au niveau de l’entreprise, de l’établissement ou de la branche, d’imposer la prise de congés payés ou de modifier les dates d’un congé déjà posé, dans la limite de six jours ouvrables de six jours ouvrables, soit une semaine de congés payés, en respectant un délai de prévenance d’au moins un jour franc.

 Dans ce cadre, l’employeur pourra imposer le fractionnement des congés payés sans être tenu de recueillir l’accord du salarié et suspendre temporairement le droit à un congé simultané des conjoints ou des partenaires liés par un pacte civil de solidarité dans une même entreprise, ce qui permettra au cas où la présence d’un des deux conjoints seulement est indispensable à l’entreprise, ou si l’un des deux conjoints a épuisé ses droits à congés, de dissocier les dates de départ en congés.

 Les équipes CFDT doivent être vigilantes sur deux points :

  1. Le texte ne précise pas si les jours de CP concernés sont ouvrables ou ouvrés ;
  2. Une zone d’ombre demeure sur les congés susceptibles d’être visés par la mesure. Il semble que les CP qui seront en cours d’acquisition sur la période juin 2020/mai 2021, et dans la limite du 31 décembre 2020, soient également concernés.

A défaut de précision et au regard des efforts déjà demandés, nous invitons les représentants CFDT à faire appliquer la règle la plus favorable aux salariés. 

=> Dans tous les cas, le droit européen impose qu’un travailleur bénéficie d'un congé annuel payé d'au moins quatre semaines (article 7 de la directive européenne du 4 novembre 2003 concernant certains aspects du temps de travail).

 RTT

Afin de répondre aux difficultés que l’entreprise ou l’établissement rencontre en cas de circonstances exceptionnelles, l’article 2 permet à l’employeur d’imposer ou de modifier sous préavis d’un jour franc, les journées de repos acquises par le salarié au titre des jours de réduction du temps de travail attribués au titre d’un dispositif de réduction du temps de travail maintenu en vigueur en vertu de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 dans l’entreprise ou dans l’établissement, ou un dispositif de jours de repos conventionnels mis en place dans le cadre des dispositions prévues aux articles L. 3121-41 à L. 3121-47 du code du travail. 

Commentaire CFDT : La CFDT avait demandé que cette possibilité soit aussi encadrée par accord collectif, mais n’a pas obtenu gain de cause. Si la limite de 10 jours (repos, RTT, CET) constitue un garde-fou, cela représente un nombre important de jours pour les salariés qui en ont, pour beaucoup, 12 par an. Cette mesure réduit donc considérablement la liberté des salariés de disposer de leurs jours de repos, particulièrement pour ceux en forfait jours. Selon l’ordonnance, ces dérogations ne peuvent être utilisées que si l’intérêt de l’entreprise le justifie au regard des difficultés économiques liées à la propagation du virus. Les représentants CFDT devront veiller à ce que cette justification ne soit pas détournée par les employeurs et remonter toute dérive vers l’espace de conversation « Les élu.e.s du CSE ». Par ailleurs, rien n’interdit de négocier pour encadrer ce pouvoir unilatéral de l’employeur (cas de recours, délais, modalités de l’information, etc.).

 

Forfait jour

Dans le même objectif, l’article 3 permet à l’employeur d’imposer ou de modifier sous préavis d’un jour franc, les journées ou les demi-journées de repos acquises par le salarié titulaire d’une convention de forfait en jours sur l’année.

L’article 5 en précise les limites : le nombre total de jours de repos dont l’employeur peut imposer au salarié la prise ou dont il peut modifier la date en application des articles 2 à 4 du texte ne peut être supérieur à dix.

La période de congé, de prise des jours de repos, imposée ou modifiée en application du présent article ne peut s’étendre au-delà du 31 décembre 2020.

En matière de durée du travail

Dans certains secteurs jugés essentiels à la continuité de la vie économique et à la sûreté de la nation (dont la liste sera fixée par décret), l’employeur pourra déroger de manière unilatérale aux règles d’ordre public en matière de durée du travail, et aux stipulations conventionnelles applicables (art 6).  Il pourra ainsi :

- fixer la durée maximale quotidienne de travail à 12 h : elle est aujourd’hui fixée à 10h, sauf dérogations ;

- fixer la durée maximale quotidienne d’un travailleur de nuit à 12 h sous réserve de l’attribution d’un repos compensateur équivalent à la durée du dépassement : elle est aujourd’hui fixée à 8h avec droit à un repos équivalent, sauf dérogations

A noter : la nécessité d’obtenir un PV de consultation des DS, ou d’un document attestant une info préalable des salariés en cas de DUE, n’est pas requise.

- fixer la durée maximale hebdomadaire moyenne d’un travailleur de nuit à 44 h sur 12 semaines consécutives : elle est aujourd’hui fixée à 40h, sauf dérogations ;

- réduire la durée minimale du repos quotidien à 9h d’un repos compensateur équivalent à la durée du repos non pris : elle est aujourd’hui fixée à 11h, sauf dérogations ;

- fixer la durée maximale absolue hebdomadaire à 60h : elle est aujourd’hui fixée à 48h/semaine, sauf dérogations ;

- fixer la durée maximale hebdomadaire moyenne à 48h sur 12 semaines consécutives ou 12 mois pour les exploitations, entreprises agricoles, gardes chasse, pêche, forestiers, employés de maison d’un exploitant agricole, salariés des organismes de mutualité agricole, caisses crédit agricole, chambres d’agriculture, etc. : elle est aujourd’hui fixée à 44h, sauf dérogations.

Conditions :

-          Les secteurs concernés seront déterminés par décrets. Pour chacun d’eux seront définies les catégories de dérogations admises et la durée maximale de travail ainsi que les durées minimales de repos susceptibles d’être fixées par l’employeur « dans le respect de l’objectif de protection de la santé des travailleurs ». 

-          L’employeur doit, sans délai et par tout moyen, informer le CSE et la Direccte.

-          Les dérogations ne seront applicables qu’à compter de la publication des décrets d’application.

-          Les dérogations ne sont possibles que jusqu’au 31 décembre 2020. 

 

L’employeur pourra déroger au principe du repos le dimanche (art. 7)

- dans les entreprises des secteurs jugés essentiels à la continuité de la vie économique et à la sûreté de la nation (dont la liste sera fixée par décret) ;

- dans les entreprises qui assurent aux précédentes, des prestations nécessaires à l’accomplissement de leur activité principale ;

- ces dispositions s’appliquent également aux entreprises situées dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin.

Pour quelle durée ? jusqu’au 31 décembre 2020 

Commentaire CFDT :

La CFDT avait demandé que la loi d’urgence encadre ces dérogations possibles en matière de durée du travail par accord collectif, mais n’a pas obtenu gain de cause. La CFDT revendique que le CSE ne soit pas seulement informé mais consulté. Les représentants CFDT devront donc être particulièrement vigilants quant au « respect de l’objectif de protection de la santé des travailleurs », seule limite garantie par l’ordonnance à ces dérogations, et signaler toute dérive sur l’espace de conversation « Les élu.e.s du CSE ».

La Confédération a interpellé le ministère du Travail à ce sujet, qui a aussitôt répondu (voir courriers joints).

Prime exceptionnelle de pouvoir d’achat

Le Gouvernement va pouvoir, par ordonnance, assouplir les conditions et les modalités de versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat. L’objectif de cette mesure d’assouplissement est d’inciter les entreprises à verser la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat à leurs salariés qui assurent la continuité de l’activité en cette période de crise sanitaire. Cette prime est exonérée de charges sociales et d’impôt dans la limite de 1000 euros pour les salariés ayant perçu au cours des 12 mois précédant son versement une rémunération inférieure à 3 fois la valeur annuelle du SMIC (loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, Jo du 24).

Arrêt de travail pour les personnes présentant un risque élevé

Pour les parents qui doivent garder leurs enfants, ils peuvent bénéficier, sous certaines conditions, d’un arrêt de travail indemnisé. Grâce au télé-service declare.ameli.fr, c’est l’employeur qui déclare l’arrêt de travail du salarié. Ce service est étendu aux personnes qui présentent un risque élevé de développer une forme sévère du Coronavirus et qui doivent impérativement rester à leur domicile (femmes enceintes, personnes atteintes de maladies respiratoires chroniques ou atteintes d’insuffisances cardiaque, etc.). Pour connaître la liste de toutes les personnes présentant un risque élevé, nous vous recommandons de lire l’article « Covid-19 et arrêt de travail : simplification de la procédure pour les personnes présentant un risque élevé » (ameli.fr).

Indemnité complémentaire à l'allocation journalière

 

Article 1er Afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du covid-19, jusqu’au 31 août 2020, l’indemnité complémentaire mentionnée à l’article L. 1226-1 du code du travail est versée :

1-      Aux salariés qui bénéficient d’un arrêt de travail en application des dispositions prises pour l’application de l’article L. 16-10-1 du code de la sécurité sociale, sans que la condition d’ancienneté prévue au premier alinéa de l’article L. 1226-1 du code du travail ni les conditions prévues aux 1o et 3o du même article ne soient requises et sans que l’exclusion des catégories de salariés mentionnées au cinquième alinéa du même article ne s’applique ;

2-      Aux salariés en situation d’absence au travail justifiée par l’incapacité résultant de maladie ou d’accident mentionnés à l’article L. 1226-1 du code du travail, sans que la condition d’ancienneté prévue au premier alinéa de cet article ne soit requise et sans que l’exclusion des catégories de salariés mentionnées au cinquième alinéa du même article ne s’applique. Un décret peut aménager les délais et les modalités selon lesquelles l’indemnité mentionnée au premier alinéa est versée pendant la période prévue à cet alinéa aux salariés mentionnés aux 1o et 2o .

 

Commentaire CFDT : La CFDT salue cette disposition qui supprime, jusqu’au 31 août 2020, la condition d’ancienneté pour tout arrêt de travail (quel que soit le motif de l’arrêt de travail) et ouvre le bénéfice du maintien de salaire, sans condition d’ancienneté, à des salariés qui en étaient jusqu’alors exclus. 

 

Participation / intéressement

 

Par dérogation aux dispositions du code du travail régissant le versement des sommes dues au titre de la participation ou de l’intéressement et aux stipulations conventionnelles applicables dans l’entreprise, la date limite de versement aux bénéficiaires ou d’affectation sur un plan d’épargne salariale ou un compte courant bloqué des sommes attribuées en 2020 au titre d’un régime d’intéressement ou de participation est reportée au 31 décembre 2020.

 

Extension du chômage partiel

https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000041762506

 

L'objectif de ce texte détaillé : « Prendre des mesures exceptionnelles et temporaires permettant de limiter les ruptures des contrats de travail et d'atténuer les effets de la baisse d'activité, en facilitant et en renforçant le recours à l'activité partielle pour toutes les entreprises quelle que soit leur taille ».

Des contrôles « sont prévus » pour éviter les effets d'aubaine, comme le souhaitent les syndicats. L'Elysée insiste sur le fait que les services de l'Etat « feront preuve de la plus grande vigilance ».