COVID-19: S'ADAPTER AU TRAVAIL, TEMOIGNAGES DE MILITANTS - AGNES, INFIRMIERE GESTIONNAIRE DE LITS

Publié le 15/04/2020

Dans le contexte sanitaire actuel, beaucoup d’entreprises, d’administrations ont mis en place des plans de continuité d’activité. En ayant recours au télétravail, en adaptant les organisations du travail, ou en proposant du chômage partiel, la plupart des travailleurs font face à des situations exceptionnelles. Chaque semaine nous partageons des témoignages de militants CFDT qui vivent ces situations.

Trait d'Union : Qui es-tu ?

Agnès : Je suis Agnès, Berrichonne de naissance et savoyarde depuis 30 ans. Mon dernier poste occupé était infirmière d’orientation aux urgences dans un établissement hospitalier de 1000 agents. En 2008, j'ai eu une décharge pour des activités syndicales à temps plein. J’ai occupé différents mandats au sein du syndicat santé sociaux 74 (référente condition de travail, juridique), au CESER et à la Commission Régionale Santé Autonomie pour l’URI et le lien avec l’UPR, au CHSCT du Conseil Supérieur de la Fonction Publique Hospitalière pour la Fédération Santé-sociaux, formatrice au sein des réseaux interpro et fédéraux. En parallèle J’ai toujours gardé un pied dans la section syndicale en tant que Secrétaire de section, au Conseil de surveillance, au Comité Technique d’Etablissement et au CHSCT.

Au déclenchement de la Crise du COVID-19 et du Plan Blanc, tous les autres militants à temps partiel ont été sollicités pour reprendre tout ou partie de leur temps. J’ai fait le choix de rebasculer en temps plein comme Infirmière gestionnaire des lits. J’assume en dehors de ce temps le lien avec le syndicat, le suivi des adhérents (aux côtés des autres militants de la section…), la préparation du CHSCT et du CHSCT de la CSFPH.

La CFDT veille à l'équité et la solidarité [...] Le dialogue social est informel , la CFDT essaie de reconstruire un semblant de concertation à défaut des instances habituelles.", Agnès, infirmière gestionnaire de lits, et militante engagée

 

Trait d'Union : Cela fait 1 mois maintenant que les mesures sanitaires exceptionnelles ont été adoptées. Quel regard poses-tu sur l’organisation du travail au sein de ta boîte ?

Agnès : Nous avons, pendant les 10 premier jours, eu des difficultés pour que chaque agent dans les services non-covid ait accès à des EPI, et même des surblouses à l’ouverture des services COVID. Nous sommes vigilants à ne pas gaspiller. Heureusement les agents à risque et les femmes enceintes ont été retirées des soins. J’accompagne et soutiens certains agents en difficulté. La plupart d’entre eux sont très inquiets à l’idée d’amener le COVID chez eux. Les professionnels divorcés ont parfois laissé les enfants chez leur ex-conjoint ou pour un couple avec un conjoint « à risque », s’organise parfois une vie de couple « cloisonnée ».

Une partie de l’équipe du plateau technique est partie compléter l'équipe de réanimation pour les patients atteints du COVID dans un autre établissement. En Haute-Savoie les capacités d’accueil en réanimation ont été augmentées de 238%. Dans l’établissement ou j’interviens nous prenons en charge les patients covid + en soins continus (parfois les patients sont "équipés" pour un transfert en réanimation) , en médecine et à présent nous avons mis en place une offre de soins post soins critiques. En médecine, mes collègues prennent en charge les patients sous surveillance étroite et également en soins palliatifs. Nous avons mis en place deux parcours de soins différenciés avec ou sans COVID-19. Ces situations sont très difficiles à vivre pour les familles, qui ne peuvent pas voir leurs proches malades, voire en fin de vie. Dans certaines situations des visites de familles très encadrées peuvent être organisées. Les professionnels sont très impactés par ces prises en charge de personnes privées de leur entourage proche.

Trait d'Union : En quoi ton activité est-elle particulièrement utile en la période ?

Agnès : Un renfort était incontournable pour dégager du temps de soignant. Au début il y avait 1 service COVID, maintenant il y en a 5 (3 services de Médecine – les Soins continus – les Soins de Suite et Réadaptation se sont préparés –  des lits en pédiatrie et maternité). La fonction de gestion des lits est particulièrement importante tant pour l'organisation des services que pour assurer les transmission sur l’activité médicale vers l’administration et l’ARS.

 

Trait d'Union : Comment vis -tu cette « drôle » de période ?(conciliation vie perso/vie prof)

Agnès : Sur le plan syndical , la direction nous a demandé notre avis sur la répartition des nombreux dons souvent fléchés.La CFDT veille à l'équité et la solidarité sur ce dossier. Sinon, le dialogue social est informel , la CFDT essaie de reconstruire un semblant de concertation à défaut des instances habituelles.

Par ma présence dans les services j’assure également le contact avec les agents et les équipes mais aussi le suivi des adhérents qui font face à des drames. Nous sommes 170 adhérents CFDT sur 1000 professionnels médicaux et non médicaux et avons recueilli 78% aux dernières élections. Les agents attendent de la CFDT un soutien et un relais vers la direction. Tous les agents exposé ont pu être testés et nous recensons actuellement tous les agents qui ont été contaminés pour une reconnaissance en AT a minima en attendant une éventuelle reconnaissance en maladie professionnelle.

Trait d'Union : Un bon conseil, une idée à partager ?

Agnès : Attention le nombre d’hospitalisations ne baisse pas (seul le nombre de patient admis en Réanimation a baissé). Je suis inquiète dans cette période de confinement pour les personnes en situation de fragilité psychique, pour les mineurs suivis en protection de l’enfance, pour les exclus. Je ne cache pas que j’ai une charge mentale très importante, c’est pourquoi j’ai sollicité une baisse de mon temps d’infirmière. Mais je ne regrette rien car plusieurs adhérents m’ont renvoyé la fierté de me voir à leur côtés, et ça aussi donne du sens à mon engagement professionnel et syndical.

 

Propos recueillis par Pierrick A