COVID-19: S'ADAPTER AU TRAVAIL, TEMOIGNAGES DE MILITANTS - JULIE, directrice d'école dans le Puy de Dôme

Publié le 14/05/2020

Au début du confinement, Trait d'Union avait recueilli le témoignage de Julie, directrice et professeure dans une école élémentaire du Puy de Dôme, sur l'adaptation de l'école élémentaire au confinement, et la mise en place de la continuité pédagogique.

Alors que le retour des élèves en classe se profile, nous sommes allés à sa rencontre pour échanger avec elle sur le bilan qu'elle dresse de cette période de confinement, et pour aborder la phase délicate du retour des élèves dans son établissement.

Trait d'Union : bonjour Julie, nous t’avions rencontré à l’issue de la première semaine de confinement pour recueillir ton témoignage sur la manière dont s’organisait l’école à la maison….. à la veille du déconfinement, quel bilan pédagogique tires-tu en tant qu’enseignante ?

Julie : J’avais déjà souligné que la classe à domicile révèle bien entendu les inégalités. Au bout de plusieurs semaines j’observe aussi qu’au fil du temps, il est de plus en plus difficile d’entretenir la motivation des enfants, celle des parents, d’autant plus qu’eux-mêmes sont confrontés à des difficultés pour concilier leur propre emploi du temps, les contraintes professionnelles et domestiques avec l’organisation de la « classe à la maison ».  L’école à domicile, franchement ce n’est pas facile… bien qu’enseignante, je me heurte aussi à des difficultés dans le « face à face pédagogique » avec mes enfants….On sent une forme de lassitude dans les familles, les enfants ont hâte de se retrouver, ils expriment un besoin fort de relations sociales.

Trait d'Union : Tu es aussi directrice d’établissement, du coup, comment s’est organisé l’animation de l’équipe pédagogique pendant le confinement ?

Julie : Je n’ai pas pu organiser de réunion d’équipe en visioconférence car certains de mes collègues ne maitrisent pas ou non pas les outils nécessaires. Aucun matériel n’a été fourni aux enseignants pour assurer la continuité pédagogique à distance, nous avons utilisé nos propres ressources. Ainsi, et à titre d’exemple, pour conserver le lien avec les parents, j’ai privilégié l’usage des sms, mais du coup cela implique de fournir son numéro privé et d’utiliser son propre téléphone.

 

Trait d'Union : A la veille du déconfinement, comment se prépare le retour en classe au sein de ton école ?

Julie : Comme lors de l’annonce du confinement, nous n’avons reçu aucune communication officielle du ministère au préalable. C’est par la presse que nous avons pris connaissance des annonces concernant l’organisation du retour progressif des élèves à l’école. Le ministère de l’Education Nationale a fourni un protocole sanitaire relatif à la réouverture et au fonctionnement des écoles maternelles et élémentaires fin avril. A nous de l’adapter, en un temps record, en lien avec les services municipaux,  et c’est parfois un vrai casse-tête…

 

Trait d'Union : Concrètement comment s’organise ce retour en classe dans ton école ?

Julie : Un conseil d’école a eu lieu en présentiel. Le maire de la commune dans laquelle j’enseigne souhaitait que 75 % des enfants soient accueillis dès le premier jour de rentrée des élèves, tous ensemble, et les parents ont abondé dans son sens, contre l’avis des enseignants… Outre que les mesures sanitaires préconisées pour la sécurité des enfants et du personnel ne seront pas applicables, je suis d’autant plus inquiète que, identifiée comme personne vulnérable, je ne serai pas présente dans les locaux, aux côtés de mon équipe. J’ai essayé de dialoguer, en vain.

 

Trait d'Union : C’est en effet surprenant… alors que plusieurs élus sont réservés voire opposés à la réouverture des écoles sur leur territoire, qu’est-ce qui a convaincu le maire de ta commune d’aller au-delà des normes préconisées ?

Julie : Je pense qu’il a été très fortement sollicité par les parents d’élèves, qui souhaitent pour bon nombre d’entre eux retourner au travail, retrouver une « vie normale »… si j’ajoute qu’à l’issue du premier tour des élections municipales de mars, il se trouvait en mauvaise posture….

 

Trait d'Union : A l’heure du débat sur la protection des maires contre d’éventuelles poursuites judiciaires en cas de contamination, quelles sont tes responsabilités et moyens d’agir, en qualité de Directrice d’école ?

Julie :  Le Maire dispose d’une autorité gestionnaire des écoles maternelles et élémentaires, et en ma qualité de directrice, j’ai fait un rapport circonstancié à l’inspection académique pour notifier tous les manquements à la fois pour alerter l’Education Nationale mais aussi pour me décharger, même si je n’ai pas trop creusé la question de ma responsabilité civile ou pénale. Pour l’instant, ce qui m’importe, c’est de garantir un cadre sécurisant pour les élèves et le personnel qui par ailleurs est mitigé sur les conditions de cette reprise d’activité : certains ont émis des réserves sur les effectifs, d’autres, de mon point de vue, sont entrés dans une forme de « clientélisme » vis-à-vis des parents…

 

Propose recueillis par Sylvie E