Portrait de militante : Alexandra Delhomme, première Présidente du tribunal des prud’hommes de Valence

Publié le 08/04/2020

Les syndicalistes aiment leur entreprise. Est-ce que les entreprises aiment leurs syndicalistes ?

Pour Alexandra même détachée à temps plein au sein de la CFDT, Orange reste son entreprise. En 1997 à  la sortie de son BTS Force de vente, Alexandra intègre Orange avec un CDI de commerciale. Dès son entrée dans l’entreprise, les syndicats la sollicitent. Le père d’Alexandra est agent EDF et militant à la CFDT. C’est donc naturellement qu’elle intègre ce syndicat. En 2004 cette jeune militante devient élue Prudhommale. « J’ai toujours aimé le droit, les prudhommes me conviennent parfaitement. Par ailleurs  pendant la formation j’ai rencontré mon mari qui travaille chez CITEA, la société de transport urbain de Valence. C’est donc un moment important de ma vie ! ».

 

En 2003 France Télécom est en  mutation et Alexandra change  d’affectation. Elle devient responsable de 2 boutiques à Montélimar.  Pendant 6 ans elle travaille beaucoup et son activité lui plait. Mais il est difficile de résister à la pression, aux responsabilités et aux déplacements quand on devient maman. A l’arrivée de sa première fille elle quitte son poste et prend la responsabilité d’une plateforme téléphonique. « Cette période a été très difficile, j’étais sur la liste des DP et les relations étaient compliquées avec mon n+1…Il y avait beaucoup de  mal être au travail. Le mot d’ordre de la Direction Nationale était de pousser les salariés qui avaient un statut de fonctionnaires à partir vers l’Education Nationale ou à monter des entreprises ! Il y avait un pourcentage de salariés qui devait quitter l’entreprise. J’étais opposée à la Direction. Je ne répercutais pas la pression pour que les gens partent….du coup ma position de Manager était compliquée…A ce moment -là Je me battais en tant que Manager ….et pas en tant que CFDT…. ».

Même si pour  Alexandra la région sud est faisait preuve de plus d’humanité qu’à la Direction Nationale, après la naissance de sa fille en 2008, la double casquette Manager/DP devenait difficile. « Je savais que ma carrière à Orange était terminée… ».

Terrible constat ! En même temps si fréquent….les salariés syndiqués doivent souvent choisir entre leur engagement et leur carrière. Pourtant  ne penserait on pas que  leur engagement syndical est aussi un engagement pour leur entreprise ?

Les syndicalistes aiment leur entreprise. Est-ce que les entreprises aiment leurs syndicalistes ?

« On m’attendait au tournant ! Les autres syndicats ne voulaient pas de femmes ! »

En 2015 Alexandra choisit. Elle est élue et détachée à la CFDT. Cela fait aujourd’hui 6 ans. Que dire des couples de syndiqués ? Et bien clairement lorsqu’Alexandra travaillait beaucoup en tant que responsable de boutiques Orange avec des déplacements, c’est son mari qui était très investit à la CFDT. "Maintenant que je suis engagée à la CFDT, lui, a avancé dans sa carrière. Mais Jean Yves a mis 25 ans pour devenir cadre dans son entreprise….ses mandats syndicaux gênaient …. "

Alexandra est responsable juridique de l’interprofessionnelle, conseillère prudhommale, trésorière du syndicat S3C (conseil, culture et communication). Elle conserve également un pied dans son entreprise en étant Déléguée Syndicale d’Orange.

Sa grande  bataille : devenir présidente des prudhommes. « On m’attendait au tournant ! Les autres syndicats voulaient bien d’un candidat nommé Delhomme, mais ….seul mon mari semblait légitime ! Ils ne voulaient pas de femmes ! »

Tenace Alexandra deviendra la première femme à présider le conseil des prudhommes de Valence. Elle sera « sous observation » pendant toute la durée son mandat. Elle n’est pas prête d’oublier  la pression  qui pesait sur ses épaules ce jour de l’audience solennelle ! « J’ai appris à arrondir mes positions, moi qui suis très directe ! »

Actuellement vice- présidente elle poursuit son travail au sein du Conseil. La fusion des greffes demande notamment de se  mobiliser  pour ne pas perdre de greffiers et se battre pour que le conseil des prudhommes d’Annonay ne soit pas supprimé. « Mon pére était très heureux de mes engagements, mais quand je suis devenue Présidente du Conseil des Prudhommes, il a été très fier ! ».

Cette jeune femme de 44 ans au regard franc et décidé,  reste calme «  mais il ne faut rien lâcher » dit – elle. Elle a été élevée dans une famille où l’engagement était et est encore bien partagé. Sa maman, secrétaire comptable a toujours été bénévole associative . Elle est  aujourd’hui  présidente nationale de l’association des jardins familiaux. Quant à son père non seulement il milite à la CFDT, il était pompier volontaire. Actuellement, il est correspondant du Dauphiné Libéré.

Sa fille et son fils, respectivement 12 et 10 ans,  entendent beaucoup parler syndicat autour de la table familiale, lieu où on discute de tout.  On y explique souvent longuement  le pourquoi de tel ou tel mouvement social ou manifestations.

Les parcours professionnels et syndicaux  d’Alexandra et de son mari sont représentatifs de  toutes les questions que posent aujourd’hui l’engagement syndical dans un couple et  les freins rencontrés dans leurs carrières respectives. «  Si on veut aujourd’hui trouver des jeunes militants il faut travailler sur les carrières ». 

Alexandra est encore détachée pour 4 ans. Et après ? «  Je suis attachée à mon entreprise et fière de ses évolutions !". Pourquoi les entreprises ne penseraient-elles pas à regarder dans leur propre vivier quand elles recherchent des compétences ? Et plus spécifiquement du côté de leurs syndiqués ? En rencontrant Alexandra Delhomme, jeune femme de 44 ans, la question semble évidente !