Témoignage de militante : Catherine, bibliothécaire

Publié le 02/02/2021

Chaque mois Flash Trait d'Union donne la parole aux militant·e·s et d'adhérent·e·s CFDT pour évoquer des sujets qui font leur actualité. 

Trait d'Union : Qui es-tu ?

Catherine : Je m’appelle Catherine, je suis bibliothécaire, et après avoir exercé ce métier pendant quelques années à l’étranger, je travaille depuis 1992 en France. Actuellement, j’exerce ces fonctions au sein d’une médiathèque qui relève d’une collectivité territoriale comptant 128 000 habitants. Cet établissement fait partie d’un réseau qui compte 15 médiathèques et bibliothèques.

 

Trait d'Union : Du confinement au déconfinement, comment la médiathèque a -t-elle traversé la crise ? Comment s’est organisé la continuité des services aux usagers ?

Catherine : Il y a eu différentes phases ou épisodes. Lors du premier confinement, l’annonce de la fermeture imposée de tous les équipements publics à partir du 17 mars fut brutale pour tous. On a observé, les jours précédant l’application de cette mesure, un afflux massif d’usagers venus en bibliothèque pour faire leur stock de documents avant confinement. Comme bon nombre d’entreprises ou d’administrations, nous n’étions pas du tout préparés à organiser à la fois le service aux usagers, ni le travail interne. Tous les agents de mon service se sont retrouvés en télétravail, enfin, ceux et celles d’entre nous qui possédaient un ordinateur personnel. Les services informatiques sont intervenus à distance pour équiper chaque ordinateur personnel des logiciels nécessaires à la réalisation de nos tâches. Ce fut parfois fastidieux ! De plus, cette organisation a créé des iniquités entre les agents : ceux qui possédaient un ordinateur personnel ont été submergés de tâches, on leur a confié énormément de missions, parfois nouvelles, de peur qu’ils ou elles ne travaillent pas suffisamment ! Notre fonction a considérablement évolué durant cette période de confinement : l’accueil du public a été remplacé par la préoccupation des ressources numériques : les trouver, les créer, les proposer en accès et les valoriser. Et bien sûr, pour ce qui est des réunions d’équipe, les vidéo call et visioconférences se sont largement développées.

Trait d'Union : A partir du 11 mai, période de déconfinement, les médiathèques ont été autorisées à rouvrir leurs portes au public : certains professionnels ont alors exprimé bon nombre de craintes redoutant une forte fréquentation, la cohabitation de publics d'âges variés, les documents pris en main par les usagers, les difficultés à faire adopter les gestes barrières et la distanciation sociale par les enfants...

Catherine : Au sein de mon établissement le déconfinement fut progressif. Dans un premier temps, le choix s’est porté sur le système du « click and collect » permettant aux usagers de venir retirer leurs documents, sur rendez-vous. Afin de satisfaire les lecteurs mais aussi de limiter leurs passages, le nombre de documents pouvant être empruntés a été limité, ce qui a cependant généré un accroissement des manipulations et du port des charges par le personnel.(Préparation des réservations et de paquets surprises composés de livres, CD, DVD). Le système de retour des documents a lui aussi été sécurisé, avec un dépôt dans des boites et une mise en septaine des documents. Progressivement, nous sommes revenus à un système plus traditionnel d’accueil du public, avec une limitation du nombre d’usagers présents au sein des différents espaces, adaptée en fonction de l’évolution de la situation sanitaire.

 

Trait d'Union : Et pour le personnel, quel mode d’organisation interne du travail fut alors adopté ?

Catherine : Le retour au travail des agents sur site fut en mode alternatif, avec une possibilité de conserver un ou deux jours de télétravail. Un protocole sanitaire strict a été mis en place pour garantir la sécurité du personnel, et nous avons été dotés du matériel nécessaire (masques, gel hydroalcoolique, produits désinfectants…) nous permettant de travailler en toute sécurité, mais chacun dans des espaces délimités pour limiter les interactions, sans possibilité finalement de partager des moments de convivialité. Aujourd’hui, tout le personnel travaille sur place, et il me semble qu’on a un peu « baissé la garde » sur les mesures de distanciation. Cette drôle de période nous impose des changements en permanence pour s’adapter aux nouvelles dispositions, ce qui est éprouvant, génère de la fatigue et parfois une forme d’agressivité du public.

 

Trait d'Union : Le contexte de crise sanitaire interroge également sur ce qui est indispensable pour vivre. Qu’est ce qui, de ton point de vue, est indispensable dans une bibliothèque publique ?

Catherine : Si les bibliothèques sont souvent perçues comme ayant un rôle culturel, pédagogique voire même ludique, elles ont aussi une fonction sociale (alphabétisation, lutte contre l’illettrisme, ateliers d’écriture, partenariat avec les écoles, les crèches, actions diverses en faveur des publics empêchés ….). La crise a mis en lumière tous ces enjeux mais surtout les difficultés à trouver des solutions pour assurer la continuité de ce type de services sans lieu d’accueil physique. Personnellement, je suis attachée à cette fonction sociale des bibliothèques : on emploie généralement l’expression de bibliothèque tiers-lieu (ou troisième lieu), pour désigner cette démarche qui vise à transformer ces établissements culturels en lieux de vie de communautés formelles et informelles, de participation, de partage, où l’offre de services se construit autour l’usager, et vise, pour résumé, à privilégier la relation humaine.  En ville, la bibliothèque est en effet souvent le seul lieu de socialisation en accès ouvert et gratuit, où aucune identité n’est demandée à l’entrée. Les bibliothèques sont des lieux de rencontres informelles et de convivialité. Et c’est ce qui a le plus manqué je crois, à notre public, quel que soit son âge. Nous l’avons mesuré lors de la réouverture progressive de notre équipement : les lecteurs avaient besoin de « parler à quelqu’un », d’échanger, de partager leurs angoisses ou espoirs en cette période.

 

Trait d'Union : Pour conclure, aurais-tu un bon bouquin à nous conseiller ?

Catherine : Pendant le confinement, j’ai lu le deuxième roman de Laurine Roux « Le sanctuaire », un conte dramatique qui narre le quotidien d’une famille coupée du monde pour cause de pandémie. Une écriture ciselée, percutante et poétique à la fois,  un roman d’initiation qui est, de mon point de vue, un hymne à la nature, revigorant en cette période.