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Succession de CDD : quand le délai de carence doit-il être observé ?

Publié le 21/11/2018

Un délai de carence entre un CDD pour surcroît temporaire d’activité et un CDD pour pourvoir à l’absence d’un salarié doivent obligatoirement être respectés. C’est ce que vient de rappeler la Cour de cassation. Cass.soc., 10.10.2018, n°17-18294

  • Un assouplissement de la jurisprudence quant à la succession de CDD pour remplacement d’un salarié absent

Le CDD, contrat en principe d’exception, est strictement encadré par le Code du travail, lequel contient de nombreuses règles relatives à la conclusion du contrat, à son contenu, ou encore au motif de son recours. Tout un arsenal de règles destiné à faire en sorte que le CDD ne soit pas utilisé pour pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise, comme le précise l’article L. 1242-1 du Code du travail. 

La jurisprudence de la Cour de cassation a été pendant de longues années à l’image du Code du travail, stricte quant au respect des textes relatifs aux CDD, exigeante vis-à-vis des employeurs décidant d’y recourir, pour ne pas que ce contrat d’exception devienne la règle.

Mais voilà, par un arrêt en date du 14 février  2018, la Cour de cassation est venue assouplir sa position quant à la succession de nombreux CDD, sur une période conséquente et destinée à pourvoir au remplacement de salariés absents (en l’espèce, 104 CDD sur une période de 4 ans environ) : jusqu’alors, elle validait la requalification d’un CDD en CDI dans une telle situation, considérant que le salarié était engagé pour occuper durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.  Une analyse remise en question par l’arrêt cité ci-dessus : « le seul fait, pour l'employeur, (…) de recourir à des contrats à durée déterminée de remplacement de manière récurrente, voire permanente, ne saurait suffire à caractériser un recours systématique aux contrats à durée déterminée pour faire face à un besoin structurel de main d'œuvre et pourvoir ainsi durablement un emploi durable lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise »

Un assouplissement de l’exigence de la Cour de cassation quant aux règles du CDD était-il à craindre la lecture de cet arrêt ?

  • Une application stricte du Code du travail : le délai de carence s’applique en cas de succession d’un CDD pour accroissement temporaire d’activité par un CDD pour remplacement

L’arrêt ici commenté rassure : la Cour de cassation s’en tient en effet à une lecture stricte de l’article L. 1244-4 (devenu l’article L. 1244-4-1).

Revenons-en aux faits de l’affaire : un salarié signe un premier CDD, prolongé une fois, pour faire face à un surcroît temporaire d’activité. Puis, 12 jours plus tard, un nouveau CDD est signé, pour pourvoir au remplacement d’un salarié absent. Embauché quelques temps plus tard en CDI, le salarié décide de saisir le conseil de prud’hommes pour obtenir notamment la requalification de ces contrats en CDI, au motif que le délai de carence entre les deux CDD n’avait pas été respecté.

Demande rejetée par la Cour d’appel, laquelle a considéré que le second CDD avait pour objet de pourvoir au remplacement d’un salarié, et que ce remplacement n’était pas intervenu sur le poste créé pour faire face à un surcroît temporaire d’activité, pour lequel le premier CDD avait été conclu. Elle en déduit que le délai de 12 jours entre les deux contrats était suffisant.

Un délai dit de carence doit obligatoirement être respecté entre 2 CDD sur un même poste de travail, dont la durée est calculée en fonction du contrat venu à expiration (article L. 1244-3 devenu L. 1244-3-1 du Code du travail). Ce délai n’a toutefois pas à être respecté dans plusieurs cas précisément listés par le Code du travail, comme par exemple pour un CDD conclu pour le remplacement d’un salarié absent en cas de nouvelle absence de ce salarié (article L. 1244-4 devenu L. 1244-4-1 du Code du travail).

 

Décision censurée par la Cour de cassation au visa des articles L. 1244-3, L.1244-4 et L. 1245-1 du Code du travail.

La Cour de cassation fait en effet une lecture stricte des articles L.1244-4 et L. 1244-3 du Code du travail. Après avoir rappelé que les dispositions du Code du travail relatives au délai de carence ne sont exclues que dans les situations expressément visées par l’article L. 1244-4, elle précise qu’une « succession de contrats de travail à durée déterminée, sans délai de carence, n'est licite, pour un même salarié et un même poste, que si chacun des contrats a été conclu pour l'un des motifs prévus limitativement par l'article L. 1244-4 du Code du travail ».

Un rappel des règles applicables qui la conduit à censurer la décision de la cour d’appel.

-        Celle-ci avait constaté que le premier CDD avait été conclu pour un accroissement temporaire, motif pourtant non visé par l’article L. 1244-4 du Code du travail parmi ceux permettant de se soustraire au délai de carence,

-      N’étant pas parmi les exceptions, un délai de carence répondant à l’article L. 1244-3 du Code du travail devait par conséquent être respecté entre un CDD pour accroissement temporaire d’activité et un CDD conclu pour le remplacement d’un salarié absent.

Une décision rassurante... et évidente !

Malgré l’assouplissement de la jurisprudence pointée précédemment, cette décision ne surprend finalement pas, puisqu’il s’agit ici d’une lecture fidèle du Code du travail, qui s’inscrit de la continuité des arrêts de la Cour de cassation sur cette question précise (cf. par exemple Cass.soc., 30.09.18, n°13-18162).  

Les ordonnances de septembre 2017 laissent la possibilité aux conventions ou accords de branche de fixer les modalités de calcul du délai de carence (article L. 1244-3 du Code du travail dans sa version en vigueur à compter du 24 septembre 2017) et de prévoir les cas dans lesquels le délai de carence n’est pas applicable (article L. 1244-4 du Code du travail dans sa version en vigueur à compter du 24 septembre 2017).