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Simonne Gron-Warlier : le témoignage d’une vie militante toujours active

Publié le 20/07/2023

Agée de 105 ans, cette camarade, doyenne de la CFDT auralpine est rebelle depuis son enfance. Elle livre ici le parcours d’une vie riche, dévouée au service des autres, et ancrée dans sa foi chrétienne. Résidente depuis dix ans de l’Ehpad Saint-François-d’Assise sur le plateau lyonnais de la Croix-Rousse, elle suit avec attention la vie de la CFDT, a participé à la commission "inter CVS" de l'Union Territoriale des Retraités et participe toujours aux réunions de l' Union Locale des Retraités du plateau.

Depuis la fenêtre de sa chambre, Simonne a une vue ouverte sur la ville, comme l’a été sa vie (© Pierre Nouvelle)

Jean-François Cullafroz-Dalla Riva : Après autant d’années de vie militante, quel est le carburant de cette volonté d’engagement qui n’a pas faibli ?

Simonne Gron : pas facile à expliquer, mais c’est la classe ouvrière qui m’a motivé à faire ce que je pouvais pour aider les gens, en les entrainant à s’engager eux-mêmes…

JFC-DR : Ce parcours a débuté par la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) à Lyon ?

SG : Oui, c’était en 1936. J’avais 18 ans et à la sortie de la messe de 8 heures à l’église Saint-Jean, j’ai rencontré Françoise, une jeune fille qui vendait à la criée la Jeunesse ouvrière. J’ai trouvé ce journal à mon goût, j’en ai parlé à une copine et nous avons créé l’embryon d’une équipe dans le quartier, aidées par l’abbé Jean Gay. Et c’est vrai, la JOC a été une école du militantisme.

J’ai toujours été une rebelle. Déjà, à l’école primaire, je me battais avec des copines par exemple pour défendre Anna Cirillo, une amie italienne que les autres rejetaient.

JFC-DR : Comment fait-on pour avoir la ressource pour agir, pour penser aux autres, pour entreprendre ?

SG : Tant qu’on vit, on peut faire quelque chose… Je trouve continuellement quelque chose qui m’intéresse pour d’autres.

Un engagement mené en couple…

JFC-DR : Une grande partie de l’engagement que tu as mené, ce fut avec ton mari Marcel ?

SG : Ah ! oui, bien sûr. Nous étions tous les deux à la JOC, lui dans la Loire et moi dans le Rhône, puis tous les deux permanents. Et puis, tous les deux pleinement d’accord. Je me rappelle qu’en trente ans de vie commune, il a trépigné une seule fois, tellement je l’avais énervé. Une fois en trente ans, quand même, ce n’est pas trop mal.

Marie-Françoise Roset : Dès que tu as intégré l’Ehpad, tu t’es rapidement engagée au Conseil de vie sociale (CVS), tu t’en rappelles ?

SG : Bien, sûr, j’avais déjà plus de 90 ans, mais ce n’était pas la première fois. Déjà, quand j’étais à l’Ehpad Saint-Charles où j’avais suivi Joseph, mon compagnon, je m’étais déjà engagée et je savais ce qu’était le CVS. Alors je n’ai pas hésité.

MFR : Et la dernière fois que tu as été élue présidente du CVS, tu avais 103 ans ?

SG : J’en avais 102, et c’était la troisième fois que j’étais présidente. J’avais été sollicitée par la direction. Il y a des choses que les directrices ne peuvent dire au grand patron. Elles, elles risquent leur place, mais moi cela ne me dérange pas. Je peux toujours être la porte-parole des autres. Tant qu’on a la langue assez déliée, il ne faut pas s’en priver.

 

… appuyée sur sa foi chrétienne

MFR : Et puis, ce qui nourrit tes actions, c’est depuis dix ans, ta participation à un groupe d’échanges au sein de la CFDT-Retraités…

SG : Oui, c’est vrai, grâce à cela, je ne patauge pas. Je peux faire confiance. Cela m’aide. Je dois leur apporter, amis eux m’apportent encore plus, c’est un échange, c’est sûr !

MFR : Ce que je trouve admirable chez toi Simone, c’est ta curiosité, ton allant. Tu as toujours ton ordinateur et tu saisi tes compte-rendus. Tu veux être indépendante…

SG : Cela fait trente ans que j’ai cet ordinateur et j’ai fait adapter un système car je n’y vois plus bien. C’est plus facile d’être indépendant. L’autonomie c’est un des éléments de la dignité humaine. Mais je n’arrive pas à comprendre pourquoi je vis toujours alors que des copains et copines partent.

MFR : En discutant souvent avec toi, j’ai l’impression que la foi chrétienne est importante pour toi ?

SG : C’est vrai, c’est quelque chose de plus valable, avec laquelle on ne peut pas tricher. Ce n’est pas du tout à la mode. Pour moi, la foi, cela passe par l’Evangile, et dans l’Evangile, il y a des exemples de situations. Je suis toujours membre d’une équipe de l’Action catholique ouvrière depuis les débuts, il y a 70 ans.

JFC : Pour la foi, comme pour le militantisme en général, on se pose la question de la transmission. As-tu le sentiment d’avoir transmis ton souci d’engagement ?

SG : Odile, ma fille ferait plutôt comme ses arrière-grands-parents, elle est très généreuse mais n’est plus engagée aujourd’hui, après avoir été militante pendant des années aux Restos du cœur. Jacques, mon ainé et Françoise, ma belle-fille, eux, ils travaillent très fort pour la réunion des religions monothéistes : chrétiennes, juive et musulmane. Ils y passent beaucoup de leur temps.

MFR : Tu dis aussi que tu n’as pas envie de partir car tout t’intéresse…

SG : Oui, c’est vrai, je n’ai pas envie de partir, mais il faudra bien que cela arrive un jour.

 

Propos recueillis par Jean-François Cullafroz et Marie-Françoise Roset