COVID-19 2ème vague : témoignage de Céline, Educatrice spécialisée dans un institut pour personnes handicapées

Publié le 24/11/2020

Alors que nous connaissons une seconde vague et que nombreux.ses sont les français.es re confiné·e·s, Flash Trait d'Union donne à nouveau la parole à ces femmes et ces hommes qui permettent à la vie de continuer.

Trait d'Union : Qui es-tu ?

 

Céline : Céline Boutreau, je suis secrétaire du syndicat santé sociaux de Haute-Savoie et travaille comme éducatrice spécialisée dans un foyer de vie accueillant 60 adultes déficients intellectuels.

 

TU : Comme s’organise l’accueil des résidents pendant la période ?

 

C : Notre établissement est ouvert tous les jours de l’année, 24 heures sur 24 et nous nous sommes organisés pour poursuivre l’accueil malgré la crise sanitaire. Cependant la gestion quotidienne reste compliquée car ce n’est pas évident de demander à des personnes déficientes intellectuelles de comprendre et de respecter les mesures sanitaires : c’est extrêmement perturbant pour elles. Pour les cas positifs, la solution d’isolement en chambre est tout simplement trop difficile à vivre pour bon nombre d’entre eux, ce qui nous a conduit à organiser, lors de la « première vague », une unité covid, un service qui s’est mis en place grâce à une étroite coopération avec l’infirmière hygiéniste du Centre Hospitalier Alpes Léman avec soulagement cette unité n’a pas été utilisée au printemps. Malheureusement, lors de cette « seconde vague », nous avons dû réactiver cette unité.  Dès la suspicion des premiers cas, nous avons rapidement pris des mesures de protection, le temps de réaménager ce service puis nous avons installé les résidents positifs dans cette unité.

 

TU : Comment les familles vivent-elles cette situation ?

 

C : J’ai eu peu de contact avec les familles, mais on observe que là aussi les réactions sont variables. Certaines sont inquiètes et c’est notre rôle de les rassurer de maintenir le lien…Lors de la première vague, certaines familles avaient préféré garder leur enfant, mais quelques-uns se sont ennuyés, on a même eu le cas d’un patient qui est tombé en dépression car ses camarades lui manquaient. Un lien étroit avec les équipes est mis en place entre les résidents leur proches et le foyer (appel, Visite à domicile, Skype et autre). Les visites dans une salle spéciale étaient déjà possible au premier confinement, même si elle est peu utilisée elle a le mérite d'exister depuis avril ... Evidemment cela reste restrictif : la visite se déroule dans une salle spécialement équipée, les contacts physiques sont évidemment interdits, ce qui est douloureux pour certaines familles : ne pas pouvoir serrer dans ses bras son enfant, lui faire un câlin….

 

TU : Et le personnel ?

 

C : Après avoir sollicité le Directeur Général lors de la 1ere vague, je suis contente que cette fois il ait mis en pratique mon conseil de faire une visite des services. Franchement c’est une démarche extrêmement positive : pour le personnel, en premier lieu, qui s’est enfin senti considéré, reconnu, soutenu, mais aussi pour le directeur qui a pu se confronter à la réalité des salarié.es, autrement qu’à travers les situations dont on peut l’informer en CSE. La communication entre la direction et le personnel, c’est primordial en la période, et cela ne peut se résumer à des messages par mail nous incitant à respecter les mesures barrières… Ou cas extrême mais véridique, le mail émanant du secrétariat d’un directeur d’établissement (celui-ci n’écrivant jamais directement au personnel) invitant les salariés à prendre en photo ceux ou celles qui ne respecteraient pas les mesures barrières afin d’accumuler des preuves ! Je vous laisse apprécier...C’est extraordinaire !

 

TU : Les syndicats Santé sociaux sont actuellement très mobilisés sur le revendicatif : la situation est très tendue dans notre région, particulièrement dans les départements des Savoie et bon nombre de militant.es ont été rappelés en renfort. Comment parvenez-vous à concilier vie professionnelle et continuité de l’action syndicale (sans parler bien entendu de la vie personnelle) ?

 

C : Pourquoi sans en parler ? au contraire c’est important !

Les militant.es du syndicat, moi-même y compris, avons été rappelés pour apporter notre soutien dans les établissements. Habituellement je travaille en tant qu’éducatrice deux ou trois demi-journées par mois, là j’ai été appelée en renfort et j’effectue davantage de missions. Sur le coup, j’ai informé mon employeur : « je mets mes mandats entre parenthèse », sauf qu’après réflexion, j’ai réalisé que cela revient à considérer que le syndicalisme est secondaire. De plus, si lors de la première vague, certaines réunions, rencontres avaient été annulées, ce n’est pas le cas cette fois-ci car des solutions alternatives via notamment l’organisation de visio ont été trouvées. Du coup, cela nous oblige à prioriser, déléguer quand c’est possible, sans pour autant négliger le lien avec les équipes syndicales. Aussi ,pendant cette période, j’ai cumulé travail d’éducatrice, de militante syndicale et de maman.

 

TU : Un mot, une idée, un conseil à partager, un souhait à formuler ?

 

C : Au regard de ce que j’ai pu vivre dans mon établissement mon conseil serait d’anticiper un maximum pour limiter au maximum les angoisses, les difficultés d’organisation, d’apprentissage. Vérifier que le matériel est disponible en nombre suffisant, que les salariés savent l’utiliser. Pas facile de devenir infirmière en une ½ heure et d’apprendre à appliquer des protocoles sanitaires stricts quand ce n’est pas notre cœur de métier.

Pendant cette période, j’ai pu observer des professionnels (salariés comme cadres) qui ont mis toute leur énergie pour limiter la propagation du virus, accueillir les résidents dans les meilleures conditions possibles, aider leurs collègues. La solidarité était présente malgré le stress, la peur… Et il suffit de peu de choses dans ces situations pour faire exploser la cocotte. C’est pourquoi, il est important d’être patients, ouverts, compréhensifs les uns avec les autres. les moments de pause, même masqués et à distance, sont les soupapes qui permettent de mettre de l’huile dans les rouages.

 

Propos recueillis par Sylvie Excoffier